ISTOR
de la Bretagne
ISTOR
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Le site préhistorique de Menez-Dregan, sur le territoire du cap Sizun, dans le sud-Finistère, est un site majeur, non seulement en Bretagne, mais même à l’échelle mondiale. C’est en effet l’un des plus anciens foyers organisés connus en Eurasie, qui montre qu’ici on maîtrisait déjà le feu il y a bien longtemps.
Nous sommes en 1985 : des chercheurs découvrent à Menez-Dregan, sur la commune de Plouhinec, une grotte contenant des traces d’occupation humaine ancienne. Les campagnes de fouilles démarrent en 1991, et livrent progressivement des témoins extraordinaires de la vie de nos lointains ancêtres : fragments de charbon, silex rougis, outils taillés à partir de galets, ossements, sans oublier… une dent d’éléphant ! Au total, ce sont plus de 100 000 pièces qui sont mises au jour.
La découverte est d’importance, puisque le foyer le plus ancien remonte aux alentours de 465 000 ans avant notre ère, à une époque où les occupants du lieu étaient des Homo heildenbergensis, soit en quelque sorte un oncle ou un grand-oncle pour notre espèce, homo sapiens.
Mais que pouvaient donc déguster ainsi ces lointains ancêtres, qui vivaient dans un environnement bien différent de celui que nous connaissons aujourd’hui ? Pas de palourdes au menu de ce barbecue, mais plutôt des éléphants et autres grands mammifères (il serait même question de rhinocéros laineux !), chassés sur ce qui était alors une plaine, mais est aujourd’hui recouvert par la mer.
On note enfin que le site n’a pas cessé d’être occupé avec la disparition des éléphants ! On trouve en effet à proximité une nécropole et une allée couverte, qui montrent une occupation du site allant du Paléolithique jusqu’au Néolithique, vers 5000 avant notre ère.
La concentration de mégalithes le long de la côte sud du Morbihan fait de cette région un haut-lieu de la préhistoire européenne. Avec près de 3 000 pierres levées, s’étendant sur 40 hectares, les alignements de Carnac en sont assurément le point d’orgue. Et ils forment l’un des sites les plus emblématiques du Néolithique.
Les menhirs de Carnac se répartissent en trois grands ensembles (les alignements du Ménec Vras, de Kermario et de Kerlescan) et deux plus petits (les alignements du Manio et du Ménec Vihan). Le site du Ménec compte le plus grand nombre de pierres, mais le site la plus connu et le plus fréquenté est celui de Kermario.
La date précise à laquelle ces mégalithes ont été érigés n’est pas encore totalement assurée. La datation au radiocarbone a permis néanmoins de circonscrire la période la plus ancienne, entre 4800 et 4300 avant notre ère. De nouveaux ouvrages de pierres dressées sont encore édifiés en Loire-Atlantique vers 2500-2000 avant notre ère. C’est-à-dire que ces pierres ont été plantées et dressées vers le ciel pendant plus de 2000 ans ! Il y a donc plusieurs phases d’aménagement et les alignements à Carnac ne peuvent être envisagés comme des constructions uniques et homogènes.
Pourquoi ces menhirs ont-ils été ainsi érigés et disposés ? Depuis le XVIIIe siècle, différentes interprétations ont été avancées. Certaines sont plausibles (lieux de culte, sites funéraires, sites sacrés, lieux marqueurs de pouvoir, etc.), mais d’autres sont des plus farfelues (résidences druidiques, camp de soldats de César, voire… guide pour les extra-terrestres !).
Le peu que l’on sait tient en fait à l’observation. Les menhirs sont en règle générale disposés en files, selon diverses configurations : sur des interfluves (hauteurs entre des vallées), ou parallèlement, ou encore perpendiculairement aux cours d’eau. Pour le reste, le mystère demeure en réalité presque entier, d’autant plus que ce qui reste aujourd’hui n’est qu’une petite partie de ce qui existait au Néolithique.
C’est en Bretagne, à Barnenez, sur la côte nord du Finistère, que se trouve l’une des plus anciennes constructions connues au monde. Il s’agit d’un grand cairn, c’est-à-dire une construction en pierres sèches recouvrant des chambres funéraires. Édifié vers 4300 avant notre ère, il précède de 2000 ans la plus ancienne pyramide d’Égypte !
Situé à Plouezoc’h, sur un promontoire dominant la baie de Morlaix, ce monument a connu une histoire rocambolesque depuis le milieu du siècle dernier : en 1954-1955 un entrepreneur de travaux publics éventre en effet les chambres du cairn pour s’en servir comme carrière de pierres ! Alerté, l’archéologue Pierre-Roland Giot fait arrêter le saccage et entreprend des campagnes de fouilles de sauvetage qui durent jusqu’en 1968. Le mausolée est ainsi consolidé et sauvé.
L’édifice, composé de deux cairns, s’étend aujourd’hui sur près de 75 mètres de long et compte 11 dolmen (des couloirs de grandes dalles de pierre, qui conduisent à autant de chambres funéraires). L’ensemble constitue donc une sorte de pyramide destinée à accueillir des défunts dont on suppose qu’ils étaient de haut rang. Mais les chercheurs estiment généralement que son rôle allait au-delà de cette fonction.
Ce qu’on sait de cette période du Néolithique, c’est qu’elle connait de profonds bouleversements puisque les humains commencent à cultiver la terre et à domestiquer des animaux. En deux mots, ils se sédentarisent, et ils veulent peut-être aussi marquer leur présence de manière durable.
Mais ils sont encore peu nombreux, et la construction d’un tel monument est une entreprise dantesque. Elle ne peut être que le résultat d’une mise en commun des ressources, décidée par une autorité puissante, dont nous ne savons, en réalité, rien ! Ce « Parthénon mégalithique » recèle donc encore son lot de mystères…
Au premier siècle avant notre ère, Jules César mène de nombreuses campagnes pour conquérir la Gaule. Mais, dans l’actuel Morbihan, les Vénètes lui résistent. Il livre contre eux une grande bataille maritime en – 56, dont il sort vainqueur. Cette défaite des Vénètes scelle la fin de l’indépendance des peuples armoricains.
A la veille de la conquête romaine, l’Armorique est prospère et habitée par différents peuples. Les plus puissants sont les Vénètes, d’après le témoignage de César lui-même dans sa Guerre des Gaules. Ils dominent le territoire qui correspond à l’actuel Morbihan, avec comme chef-lieu Darioritum, c’est-à-dire Vannes. Ce sont par ailleurs d’excellents commerçants, qui détiennent une grande part du négoce maritime de l’Atlantique et de la Manche.
Lorsque César entreprend la conquête de la Gaule Chevelue, la romanisation est en cours depuis plus d’un siècle. L’Armorique, quant à elle, est soumise en 57 avant notre ère. Mais les Vénètes, restés puissants, et forts de leurs 200 navires, se soulèvent avec d’autres peuples alliés contre les réquisitions de l’armée romaine.
L’affrontement décisif a lieu en mer en septembre 56, certainement dans le golfe du Morbihan. La bataille navale dure toute une journée. D’après César lui-même, les bateaux des Romains sont inférieurs à ceux des Vénètes, mais deux éléments décisifs viennent malgré tout leur donner l’avantage : une subite chute de vent qui ne permet plus aux navires vénètes d’avancer, et l’usage de grandes faux tranchantes sur les navires romains qui coupent les cordages maintenant les vergues des bateaux armoricains. Le résultat est un désastre pour la flotte des Vénètes.
Après la bataille, les rescapés de premier rang sont mis à mort et les autres sont vendus. César a atteint son but : il a soumis les Vénètes qui ont perdu leur flotte et leur suprématie commerciale.
Fondée vers la fin du Ve siècle, l’abbaye de Saint-Guénolé, à Landévennec, est le premier établissement monastique dont l’existence est attestée en Bretagne. Elle est aussi l’une des traces les plus anciennes de l’installation des Bretons venus d’outre-Manche en Armorique aux Ve et VIe siècles.
Nous sommes à la fin du Ve siècle, au cœur de la période de migration des Bretons de l’actuelle Grande-Bretagne vers l’Armorique. Souvent menés par des hommes qui seront plus tard qualifiés de « saints bretons », ces migrants marquent durablement leur nouveau territoire à travers, par exemple, les noms de lieux. Ils apportent aussi leur langue, ancêtre de la langue bretonne encore parlée aujourd’hui sur la péninsule.
Sur cette période on sait en réalité peu de choses car les sources sont peu nombreuses et pas toujours très fiables. Quelques textes postérieurs, du IXe siècle, nous renseignent cependant sur la vie de saint Guénolé, fondateur de l’abbaye de Landévennec. Né en Armorique de parents venus de l’actuel Pays de Galles, il aurait été éduqué au sein d’une communauté menée par un moine gallois, Budoc, sur l’île Lavret près de Bréhat. Puis il serait parti avec 11 autres moines pour fonder son propre monastère.
Après un séjour sur l’îlot de Tibidy, en rade de Brest, la communauté aurait cherché un lieu plus propice. Guidé par un ange, selon la légende, Guénolé aurait finalement jeté son dévolu sur un promontoire de l’estuaire de l’Aulne, près du site d’une ancienne villa gallo-romaine. C’est là que l’abbaye de Landévennec s’établira pour de longs siècles, puisqu’une communauté monastique y demeure toujours.
L’abbaye, qui a adopté la règle de saint Benoît au début du IXe siècle, devient au Moyen Âge un centre culturel important, où les moines écrivent et copient une quantité impressionnante de manuscrits remarquables, aujourd’hui dispersés à travers le monde.
Cette célèbre bataille de Ballon, remportée par Nominoë contre Charles le Chauve, est souvent considérée comme la pierre fondatrice d’une Bretagne unifiée et indépendante. C’est pourtant une bataille mineure et il faudra en réalité attendre 851 pour qu’Érispoë, fils de Nominoë, fasse reconnaître l’indépendance de la Bretagne.
22 novembre 845, un marécage près de l’abbaye de Ballon, à Bains-sur-Oust, dans l’actuelle Ille-et-Vilaine. L’armée du roi des Francs, Charles le Chauve, s’est aventurée dans une expédition improvisée et fait face aux cavaliers du Breton Nominoë. Ceux-ci ont attiré l’ost royal dans un véritable bourbier aux confluents de l’Oust et de l’Aff. Mal préparés, ils sont vaincus, au point que la rumeur parle de la mort de Charles le Chauve.
Il avait fallu une profonde rupture entre les deux hommes pour en arriver là. Nominoë gouvernait en effet la Bretagne depuis 832, date à laquelle Louis le Pieux l’avait nommé missus imperatoris, représentant du souverain en terre d’Armorique. Il était resté fidèle à l’empereur jusqu’à sa mort en 840.
Puis l’empire avait été divisé en trois parties, une pour chacun des fils de Louis. Nominoë avait finalement rendu l’hommage à Charles le Chauve, qui héritait de la Francie occidentale. Mais en 843, à Messac, les troupes franques du comte de Nantes avaient attaqué les Bretons, qui leur avaient infligé une cuisante défaite. Nominoë avait alors estimé qu’il était relevé de son serment.
S’en était suivie une série d‘incursions toujours plus vers l’est, visant à repousser les Francs et à étendre le territoire breton. C’est dans ce contexte, deux ans après la rupture de Nominoë et de Charles, qu’eut lieu la bataille de Ballon.
Charles tentera à nouveau d’attaquer en 846, mais finira par traiter avec Nominoë pour obtenir une « paix froide » qui durera jusqu’en 849.
Trois ans après la bataille de Ballon, c’est véritablement cette bataille de Jengland-Beslé qui sera l’acte de naissance de la Bretagne indépendante. Erispoë l’emporte en effet sur Charles le Chauve et le conflit se conclut par le traité d’Angers en septembre 851. La Bretagne y est reconnue territoire autonome et Erispoë en sera le premier roi.
A la mort de Nominoë en 851, son fils Erispoë lui succède et reprend le flambeau de l’unification et de l’émancipation de la Bretagne. Il affronte à son tour le roi Charles le Chauve, que Nominoë avait déjà battu en 845 à Ballon.
Cette fois la bataille se déroule à Jengland-Beslé, sur la commune actuelle du Grand-Fougeray, aux confins de l’Ille-et-Vilaine et de la Loire-Atlantique, le long de la rive gauche de la Vilaine. Nous sommes le 22 août 851.
Le choc est d’une extrême violence, la centaine de cavaliers bretons brise la première ligne franque dont l’armée combattait essentiellement à pied. Au bout de deux jours, les pertes sont importantes du côté des Francs et Charles le Chauve s’enfuit dans la nuit, à l’insu de son armée. La déroute est totale et ses soldats prennent la fuite autant que faire se peut, quand ils ne se font pas massacrer par les Bretons.
Quelques semaines plus tard, Erispoë et Charles le Chauve se retrouvent à Angers, où ils signent un accord de paix. Erispoë devient certes vassal de Charles le Chauve, mais il se voit surtout accorder les insignes royaux. C’est-à-dire qu’il est reconnu roi avec pleine autorité sur toute la Bretagne, y compris les comtés de Rennes et de Nantes, et le pays de Retz.
L’expansion se poursuivra encore sous le règne de Salomon, successeur d’Erispoë et deuxième roi de Bretagne.
En 867, Salomon, deuxième roi de Bretagne, se voit attribuer la presqu’île du Cotentin et les îles anglo-normandes par le traité de Compiègne, signé avec Charles le Chauve. La Bretagne atteint alors son extension maximale. Et elle s’affirme comme l’une des principautés les plus puissantes à l’ouest de l’ancienne Gaule.
Le roi Salomon avait démarré son règne par l’assassinat en 857 de son prédécesseur et cousin, le roi Erispoë, et il se conclura par son propre assassinat, en 874, par d’autres grands nobles bretons ambitieux, son gendre Pascweten et le gendre d’Erispoë, Gurwant.
Entre temps, Salomon aura parcouru beaucoup de chemin. Les 17 ans de son règne auront été consacrés à l’extension de son royaume de Bretagne. Doté d’un grand sens stratégique, il fait alliance tantôt avec les Vikings (pour piller Le Mans), tantôt avec les Francs (pour reprendre Angers aux Vikings, en 873).
Il contraint ainsi Charles le Chauve, roi des Francs, à négocier à plusieurs reprises. Le premier traité est celui d’Entrammes, signé en 863, qui lui permet de gagner « le pays entre deux rivières », c’est-à-dire une portion de terres aux confins des actuels départements de la Sarthe et de la Mayenne. Salomon en profite aussi pour se faire appeler « roi de Bretagne et d’une partie notable de la Gaule ».
Mais le traité d’Entrammes n’est qu’un amuse-bouche en comparaison du traité de Compiègne, signé en 867. Cette fois, Charles le Chauve lui concède le Cotentin, l’Avranchin et les îles anglo-normandes. La Bretagne atteint alors son extension maximale.
Un an plus tard, en 868, ces affrontements et ces traités vaudront aussi à Salomon, enfin, de se faire reconnaître officiellement roi par Charles le Chauve, dont il reste néanmoins le vassal. Ils seront dès lors alliés, jusqu’à la mort de Salomon en 874.
C’est en 907 que meurt Alain 1er , dit Alain le Grand, le troisième roi de Bretagne. Après ses 17 ans de règne s’ouvre une nouvelle crise de succession, sur fond d’attaques des Vikings. C’en est fini du royaume de Bretagne, les successeurs d’Alain ne seront plus que des ducs.
D’Alain 1 er on ne sait que peu de choses. Il serait le frère, ou le fils, de Pascweten, comte de Vannes et gendre de Salomon, le deuxième roi de Bretagne. En 874, l’assassinat de Salomon par Pascweten et Gurwant, gendre d‘Erispoë, débouche sur une guerre de succession entre ces deux prétendants au trône, puis entre leurs successeurs, Alain comte de Vannes et Judicaël prince de Poher.
Les deux hommes se réconcilient vers la fin des années 880 pour faire face aux Vikings, qui pillent la région et ont repris Nantes en 886. Mais Judicaël est tué au combat, laissant Alain seul en lice. En 890, il reprend donc le trône, resté vacant depuis 874, et devient « Alain le Grand ». Il est reconnu roi des Bretons par Charles le Simple, le nouveau souverain franc, en 898.
Durant ses 17 années de règne, Alain 1 er le Grand poursuit son combat pour freiner les invasions des Vikings. La période étant plus stable et plus calme, les Bretons semblent bénéficier d’une certaine prospérité, mais on n’en sait en réalité guère plus.
Le roi meurt en 907, et les troubles ne tardent pas à reprendre, faute de successeur reconnu. Les Vikings sont à l’affut et dévastent bientôt la région. L’aristocratie part en exil, et la Bretagne n’existe plus sur le plan politique. Il faudra attendre 936 et le retour d’Alain II, dit Barbetorte, petit-fils d’Alain le Grand, pour que les envahisseurs soient chassés. Alain devient duc en 938, il ne portera jamais le titre de roi, pas plus que ses successeurs.
La Bretagne est la proie des raids vikings depuis la mort en 907 du roi Alain 1er, dit le Grand. Son petit-fils Alain II, dit Barbetorte, comme beaucoup de nobles bretons, s’est réfugié en Angleterre. Il revient en Bretagne et débarrasse la ville de Nantes des Vikings en 937. Il devient le premier duc de Bretagne en 938.
Au Xe siècle, les Vikings reprennent leurs activités de pillage en Bretagne. Ils visent d’abord les abbayes, comme celle de Landévennec, qu’ils détruisent en 913, forçant les moines à fuir et se réfugier dans le nord de la France actuelle.
Mais les prédateurs scandinaves ne se contentent plus de ces opérations ponctuelles, ils cherchent désormais à s’installer durablement dans les places conquises. C’est ainsi que le chef viking Ragenold remonte la Loire en 919 et prend possession de la ville de Nantes. Il y crée une principauté et s’en proclame même roi ! Il y restera jusqu’à sa mort en 930.
Les nobles bretons, quant à eux, ont pour partie fui le pays et se sont réfugiés en Angleterre. Parmi eux, Alain II Barbetorte, fils du comte du Poher Mathuedoï et petit-fils du dernier roi de Bretagne Alain 1er, s’est exilé auprès de son parrain, le roi anglo-saxon Athelstan.
Pressé par Jean, l’abbé de Landévennec, Alain décide de revenir en péninsule armoricaine et débarque près de Dol en 936. Il marche sur Nantes et en chasse les occupants scandinaves en août 937. Il parachève enfin la reconquête deux ans plus tard, en 939, en écrasant les Normands à Trans, dans l’actuelle Ille-et-Vilaine.
Bien que descendant de roi, Alain Barbetorte ne peut reprendre ce titre et devient donc, en 938, le premier duc de Bretagne.
Alain IV, dit Alain Fergent, connait une vie tumultueuse : il renforce l’autorité ducale, puis part pour la première croisade en laissant les clefs du duché à sa femme Ermengarde, avant d’abandonner le pouvoir et de terminer sa vie dans une abbaye.
C’est aussi probablement le dernier duc à avoir parlé breton.
1066 est l’année d’un changement de dynastie en Bretagne. A la mort du duc Conan II, la maison de Rennes cède la place à la maison de Cornouaille, en la
personne du duc Hoël. Né en 1060, son fils Alain lui succède en 1084. Rapidement, Alain IV est désigné par son surnom, « Fergent », dont le sens est incertain.
A peine sur le trône, il prend les comtés de Rennes et les annexe au domaine ducal.
Il fait aussi la paix avec la Normandie en épousant en premières noces Constance, la fille de Guillaume le Conquérant. La Bretagne connait alors une période de stabilité et de paix.
En 1096, suite à l’appel du pape Urbain II, il part pour la première croisade et participe à la prise de Jérusalem en 1099. Pendant ses cinq années d’absence, de
1096 à 1101, c’est sa seconde épouse, Ermengarde d’Anjou, une femme cultivée et pieuse, qui administre fermement le duché.
De retour de croisade, Alain IV s'intéresse de plus en plus aux questions religieuses et développe de nouvelles abbayes. Malade, il quitte le pouvoir en 1112 au profit de son fils Conan III, nommé duc en 1115. Fergent intègre alors une abbaye, sans doute Saint-Sauveur de Redon, où il décède en 1119.
Né à Châteaulin en Cornouaille, Alain Fergent est aussi probablement le dernier duc à avoir parlé couramment le breton. La langue de la cour sera ensuite essentiellement le français.
Encore adolescent, Arthur Ier, duc de Bretagne, est assassiné par son oncle, le roi d’Angleterre Jean sans Terre, en avril 1203. Philippe Auguste en profite pour marier la sœur d’Arthur à Pierre Mauclerc, et ainsi solidifier la vassalité du duché de Bretagne au royaume de France pour un siècle et demi.
Né en 1187, Arthur est le fils de Geoffroy Plantagenêt et de Constance de Rennes. Il a devant lui un avenir prometteur : non seulement il prendra la couronne du duché de Bretagne, mais son oncle Richard Cœur de Lion, sans enfants, l’a aussi désigné en 1190 comme son successeur sur le trône d’Angleterre, au détriment de son propre frère Jean, dit sans Terre.
Le jeune Arthur est dès lors tiraillé entre sa mère en Bretagne, le roi de France qui le prend un temps sous son aile, et son oncle Richard qui en veut la garde en Angleterre. Chacun voit en effet son avantage politique à se charger du jeune héritier.
Richard meurt prématurément en 1199, lors du siège de Chalus en Limousin, alors qu’Arthur n’a que 12 ans. Jean sans Terre se fait immédiatement couronner duc de Normandie et roi d’Angleterre.
Quant à Arthur, il devient duc de Bretagne à part entière à la mort de sa mère Constance en 1201. Il se lance alors dans un conflit ouvert avec son oncle, tous deux revendiquant le trône d’Angleterre : Jean sans Terre a le soutien de sa mère Aliénor d’Aquitaine, alors qu’Arthur est appuyé par le roi de France Philippe Auguste.
La lutte prend fin quand Arthur est capturé et enfermé à Rouen où il est assassiné et jeté dans la Seine par Jean sans Terre. Le duché de Bretagne sera dès lors assujetti au royaume de France jusqu’à la guerre de Succession.
Nous sommes en plein cœur de la guerre de succession de Bretagne, qui oppose les partisans de Jeanne de Penthièvre, alliée aux Français, et les partisans de Jean de Monfort, allié aux Anglais. Le Combat des Trente en est l’un des épisodes les plus célèbres, même s’il n’a eu que peu d’impact sur l’issue du conflit.
La guerre de Succession de Bretagne dure depuis déjà 10 ans. Jeanne de Penthièvre est soutenue par les Français car elle est l’épouse de Charles de Blois, neveu du roi Philippe VI. Jean de Montfort a quant à lui fait alliance avec Edouard III d’Angleterre. Les troupes se sont déjà affrontées à diverses reprises et on ne compte plus les morts de part et d’autre.
En mars 1351, les soutiens de Charles de Blois veulent ravir le château de Ploërmel à leurs ennemis. Jean de Beaumanoir, maréchal de Bretagne, propose alors au capitaine anglais Robert Bemborough, qui occupe le pays pour Jean de Monfort, que les deux parties s’affrontent dans un tournoi. Le nombre de combattants est fixé à 30 de chaque côté.
Et c’est ainsi que, le 23 mars, près du chêne de la lande de Mi-Voie, en Guillac, à l’ouest de Ploërmel, se tient une mêlée où les hommes s’affrontent sans pitié. La victoire revient aux Bretons de Beaumanoir, mais le nombre de morts est élevé : entre 15 et 26 du côté de Montfort, et entre 5 et 9 du côté de Blois.
Ce tournoi, érigé en summum du combat chevaleresque par le XIXe siècle romantique, ne règle rien en réalité. Les affrontements se poursuivent à coups de batailles, de sièges et de guérilla. Il faudra attendre encore 13 ans pour que le confit soit définitivement clos, avec la bataille d’Auray en 1364, qui verra cette fois la victoire des Montfort.
La bataille d’Auray met fin à la guerre de Succession de Bretagne qui opposait les Montfort et les Penthièvre. Victorieuse, la dynastie Montfort assoit l’indépendance de l’État breton. S’ensuit un siècle d’apogée de la puissance ducale, qui profite de la rivalité entre les royaumes de France et d’Angleterre.
L’affaire démarre en 1341, à la mort du duc Jean III. Aucun successeur n’étant désigné, deux candidats se disputent la couronne ducale :
- Jeanne de Penthièvre, nièce de Jean III, fonde sa légitimité sur la Coutume de Bretagne. Elle est l’épouse de Charles de Blois, soutenu par le roi de France Philippe VI.
- Jean de Montfort, demi-frère de Jean III, s’appuie quant à lui sur une interprétation de l’antique loi salique du royaume des Francs, qui interdirait aux femmes d’accéder au trône. Il est soutenu par le roi d’Angleterre Édouard III.
Les deux partis prennent les armes et entraînent la Bretagne dans une véritable guerre civile, de 1341 à 1364 : sièges de villes, occupations sporadiques de troupes françaises ou anglaises, massacres, trahisons... Les deux prétendants sont tour à tour faits prisonniers puis libérés. Trêves et tentatives de règlements se succèdent. En 1363 on prévoit même de couper le duché en deux !
Le combat des Trente en 1351 voit des chevaliers de chaque camp s’affronter pour l’honneur. Mais c’est finalement à Auray que se conclut le conflit, en septembre 1364 : Charles de Blois perd la bataille et la vie, malgré le soutien de Du Guesclin, et c’est donc Jean de Montfort qui est reconnu duc sous le nom de Jean IV.
La question de la succession est par ailleurs résolue en 1365 par le traité de Guérande, qui acte un compromis :
- Le duché revient aux héritiers mâles des Montfort
- S’il n’y en a pas, il revient aux héritiers des Penthièvre.
C’est en 1464 qu’est rédigé le premier dictionnaire trilingue breton, français et latin, connu sous le nom de Catholicon. L’ouvrage, qui comporte plusieurs milliers d’entrées, marque un tournant dans la connaissance de la langue bretonne du XVe siècle.
Le Catholicon (« Universel » en grec) est l’œuvre de Jehan Lagadeuc, un prêtre né à Plougonven, près de Morlaix. Si la rédaction manuscrite remonte à 1464, la première impression accessible date quant à elle de 1499. Elle est réalisée à Tréguier par Jean Calvez. D’autres impressions suivront, vers 1500 et en 1521, désormais à Paris.
Chaque article du Catholicon suit la même construction : l’entrée se fait par le mot breton, suivi du mot français, puis du mot latin. Par exemple, à l’entrée « dour », le mot se décline ainsi : « Dour, eaue, aqua ». Peuvent ensuite s’ajouter les verbes et adjectifs qui en dérivent, puis les expressions qui ont un rapport plus ou moins direct avec le mot initial.
Cette construction indique que le public visé était brittophone et que cet ouvrage devait lui apporter des connaissances lexicographiques en français et en latin. Comme indiqué dans les premiers mots du titre, l’ouvrage était à l’usage des nouveaux clercs bretons.
Le contenu du Catholicon constituera d’ailleurs une source pour des lexiques bretons et français-bretons postérieurs, comme ceux de Grégoire de Rostrenen en 1732, ou de Théodore Hersart de La Villemarqué en 1847.
L’intérêt du Catholicon vaut également du point de vue de langue française : il apporte en effet des informations précieuses sur le français connu en Bretagne à la fin du XVe siècle ; il a aussi servi de source pour Frédéric Godefroy dans son Dictionnaire de l’ancienne langue française du IXe au XVe siècle, paru entre 1880 et 1902.
L’année 1488 est assurément une date clef dans l’histoire de la Bretagne. D’abord, la défaite des troupes bretonnes face à l’armée du roi de France à Saint-Aubin du Cormier sonne le glas de l’indépendance. Puis le duc François II meurt et c’est sa fille de 11 ans qui lui succède, pour devenir la fameuse Anne de Bretagne.
L’avènement du roi Louis XI, en 1461, marque le début d’une période de tensions entre la France et la Bretagne, qui durera plusieurs décennies. Le duc François II essaie en effet de renforcer l’indépendance du duché face au pouvoir royal, mais Louis XI, puis Charles VIII s’y opposent.
Le 28 juillet 1488, les armées françaises et bretonnes s’affrontent à Saint-Aubin-du-Cormier, entre Rennes et Fougères. L’armée du roi, forte d’environ 15 000 hommes, fait face à une armée bretonne de 12 000 combattants. Grâce à sa cohésion, sa discipline et l’unité de son commandement, l’armée française écrase son adversaire au cours d’une bataille brève mais violente et sanglante.
Le Traité du Verger est signé dans la foulée, le 19 août. Charles VIII accorde la paix à la Bretagne, ne réclame aucun territoire et promet de retirer son armée du duché. Mais François II doit s’engager à lui livrer ses alliés, à rendre hommage au souverain français, et surtout à ne pas marier ses filles - Anne et Isabeau – sans le consentement du roi. Ce traité préfigure l’annexion en bonne et due forme de la Bretagne par la France.
Quelques semaines plus tard, le 9 septembre 1488, François II meurt. Sa fille Anne, alors âgée de 11 ans, lui succède et devient duchesse de Bretagne. Débute alors la carrière politique de cette femme remarquable, qui sera successivement mariée à un empereur (Maximilien d’Autriche) et à deux rois de France (Charles VIII et Louis XII).
Cette date est l’une des plus importantes de l’histoire de Bretagne. Le 13 août 1532, à Nantes, le roi François Ier signe un édit qui unit perpétuellement la France et la Bretagne. Celle-ci conserve son duc et une très large autonomie, mais elle sera désormais une simple province.
La signature du traité de 1532 est l’aboutissement d’un projet français qui remonte au XIIIe siècle, et qui s’est accéléré brutalement après la défaite de Saint-Aubin-du-Cormier et le traité du Verger qui avait suivi, en 1488.
Le contrat de mariage de la duchesse Anne avec le roi Charles VIII en 1491, alors qu’elle n’avait que 14 ans, contenait déjà les prémices d’une future annexion. Anne était ensuite parvenue à ménager l’indépendance de son duché dans son second contrat de mariage, en 1499, avec le roi Louis XII. Mais sa mort, en 1514, change la donne. François 1er épouse Claude, la fille d’Anne, et monte sur le trône de France en 1515. Dès lors, il s’attachera à tout faire pour que le duché intègre pleinement le giron du royaume.
En 1532, François réunit ainsi les États de Bretagne, dont les députés ont été sont soudoyés et menacés par les agents du roi. Les discussions sont âpres, mais elles aboutissent à la signature d’un traité le 13 août, qui prévoit une union perpétuelle entre la France et la Bretagne. Le duché cesse donc d’être un État quasi indépendant pour devenir une province du royaume de France.
La Bretagne conserve néanmoins ce qu’il est convenu d’appeler ses libertés et privilèges : aucun impôt ne sera prélevé sans la validation des États généraux de Bretagne, et les institutions bretonnes existantes (parlement, chancellerie, chambre des comptes) demeurent. Ce sont ces « privilèges » qui seront supprimés lors de la nuit du 4 août 1789, mettant ainsi fin à l’autonomie que le duché avait bon an mal an réussi à conserver.
La révolte des Bonnets rouges, ou révolte du papier timbré, a laissé une forte trace dans l’histoire de la Bretagne. L’insurrection contre les nouveaux impôts destinés à financer les guerres de Louis XIV se termine mal pour les rebelles, qui finissent au bout d’une corde, après une intense répression par les dragons du roi.
Le roi Louis XIV aura passé une bonne partie de son règne (1643-1715) à faire la guerre à ses voisins européens. Cette politique agressive nécessite des fonds, beaucoup de fonds. Colbert est chargé de collecter les financements requis, et cela passe par de nouveaux impôts dans tout le royaume, y compris en Bretagne. Mais celle-ci jouit d’un statut particulier en matière fiscale que ses habitants entendent bien défendre.
Des incidents et des émeutes contre le « papier timbré » éclatent donc à partir d’avril 1675, d’abord dans les villes. Puis la révolte s’étend aux campagnes notamment en Basse-Bretagne où, partout, on s’attaque aux nobles et à leurs châteaux. Sébastien Le Balp, notaire à Carhaix, émerge comme meneur dans le Poher, en centre-Bretagne, où les insurgés se coiffent d’un bonnet rouge.
Autre fait notoire, les paysans s’organisent et font rédiger, par ceux qui savent écrire, des textes où ils exposent leurs critiques vis-à-vis de l’impôt, mais aussi de la justice et des droits seigneuriaux. Un siècle avant la Révolution française, ces documents préfigurent les cahiers de doléances de 1789. On les appelle les « Codes paysans ».
Mais Sébastien Le Balp est tué le 2 septembre et les rebelles se retrouvent désorganisés face aux troupes royales qui se lancent dans une répression féroce, dans les villes comme dans les campagnes : on ne compte plus les arrestations, les violences et les viols. Et surtout, les meneurs sont capturés et aussitôt pendus publiquement, pour l’exemple.
La traite des esclaves démarre à Nantes au XVII e siècle, mais c’est au début du XVIII e que son port devient le premier port français du commerce
triangulaire entre l’Afrique, l’Amérique (essentiellement les Antilles) et la France. Il fera la fortune des armateurs nantais pendant un siècle et demi.
Les premières expéditions de navires nantais en Afrique datent de 1657, et les historiens estiment à un millier le nombre d’esclaves déportés sur ces bateaux durant le dernier tiers du XVII e siècle. Nantes est alors très loin derrière La Rochelle en nombre d’expéditions.
La traite se développe ensuite très rapidement, et si le port de Nantes reste loin derrière les ports anglais comme Londres, et surtout Liverpool, il devient le premier port négrier français en 1707. Du début du XVIII e siècle au début du XIX e, la part de Nantes dans le commerce triangulaire français est en moyenne de 43 %, soit considérablement plus que Bordeaux et Le Havre (environ 12 %), ou La Rochelle (environ 11 %).
Puis la traite s’arrête pendant neuf ans, suite au décret d’abolition de l‘esclavage en 1794. Mais l’esclavage est rétabli par Napoléon en 1802 et la traite reprend de façon intense. Elle est enfin interdite définitivement en 1817, une trentaine d’années avant la fin de l’esclavage, qui n’intervient qu’en 1848.
On estime à plus de 550 000 le nombre d’esclaves qui ont ainsi été déportés sur des navires nantais en un siècle et demi.
C’est sur ce commerce triangulaire que s’est faite la fortune des armateurs nantais, qu’ils soient français, comme les Montaudouin, ou descendants de familles de nobles irlandais exilés sous Cromwell. On peut voir aujourd’hui encore, sur les bords de Loire, les hôtels luxueux qui attestent cette richesse amassée.
Une cinquantaine d’années après la révolte des Bonnets rouges, l’histoire bégaie en Bretagne avec une nouvelle révolte contre la pression fiscale. Le marquis de Pontcallec prend alors la tête d’une conspiration chimérique pour renverser le régent. Arrêté, il aura la tête tranchée, mais il deviendra un héros populaire au fil du temps et des chansons.
La mort de Louis XIV en 1715 laisse un État français criblé de dettes. Le régent Philippe d’Orléans accroit par conséquent la pression fiscale. S’ensuit une violente critique de la noblesse bretonne contre la monarchie et le poids des impôts : plusieurs centaines de nobles ruraux proclament ainsi en 1718 « les droits et les privilèges de la province de Bretagne et les prérogatives de la noblesse ».
Parmi ces nobles, le marquis de Pontcallec est issu d’une famille illustre mais ruinée. Avec une poignée d’hommes, il organise une conspiration dont l’objectif est de renverser le régent avec de prétendus alliés espagnols. Mais cette conspiration relève du fantasme, au point que le principal ministre du roi d’Espagne, Alberoni, qualifie les conjurés de « Don Quichotte » des landes et des bocages.
L’État royal prend pourtant ce complot très au sérieux. Il accuse Pontcallec de lèse-majesté, l’incrimination la plus grave dans l’échelle des délits. Après un procès d’exception, le marquis a la tête tranchée le 27 mars 1720 à Nantes, avec trois de ses compagnons.
Pontcallec connaît ensuite une seconde vie : le travail de mémoire le transforme en héros, défenseur des libertés bretonnes, notamment dans une gwerz du Barzaz Breiz intitulée « Maro Pontkallek » (« La mort de Pontcallec »). Quant au caractère brouillon de la conspiration, il transparaît justement dans le film réalisé par Bertrand Tavernier en 1975, Que la fête commence, avec Jean-Pierre Marielle en Pontcallec.
La défaite de Saint-Aubin du Cormier en 1488 avait débouché sur le traité du Verger, véritable prémice de l’annexion par la France. Puis l'Édit d’union de 1532 avait vu la Bretagne devenir une simple province, qui conservait néanmoins certaines libertés vis-à-vis de l’État central. La nuit du 4 août 1789 vient mettre un terme définitif à cette autonomie.
Au printemps et à l’été 1789, les députés bretons sont regroupés dans le « Club breton », qui deviendra le « Club des Jacobins ». Ces acteurs majeurs de la Révolution sont des bourgeois. Ils ont un adversaire : la noblesse. Un objectif : l’égalité des droits. Un ennemi : le privilège.
Les privilèges recouvrent en fait plusieurs réalités sous l’Ancien Régime : ils peuvent concerner des hommes, c’est-à-dire la noblesse et le clergé, mais aussi des entités telles que les corporations, les villes, ou les provinces. La Bretagne, par exemple, avait conservé ses institutions et gardé la main sur les questions fiscales.
Le 4 août, à Versailles, les débats de l’Assemblée nationale sont présidés par le député breton Le Chatelier. Les discussions sont enflammées, on propose la suppression des privilèges et des droits seigneuriaux, puis l’égalité devant l’impôt. On parle d’Église, de justice, et les enchères continuent de monter. La confusion est totale.
Piégés par la logique des événements, les députés bretons du tiers outrepassent largement leur mandat : dans la ferveur et l’émotion, ils votent l’abolition des « libertés et franchises » de la province, sous réserve de ratification par les États de Bretagne. Mais les États n’auront l’occasion ni de ratifier, ni de refuser la décision, puisqu’ils seront tout simplement supprimés. Certains députés se repentiront, mais il est trop tard : ils viennent de signer la fin de l’autonomie bretonne.
Les années 1793 et 1794 sont marquées par la période de la Terreur. Toute dissidence doit être réprimée au nom du « Salut public » de la « Nation Française », une et indivisible. Cette terreur s’abat lourdement sur la Bretagne, où les terribles « noyades » de Nantes auraient fait environ 4000 victimes, toutes dues au député Carrier.
A Paris, les Montagnards jacobins ont pris le contrôle au détriment des Girondins, restés fidèles aux principes de 1789. En Bretagne, ils font face à deux révoltes en 1793 : d’une part une rébellion dite fédéraliste qui s’insurge contre l’exécution de 27 de ces députés girondins ; et d’autre part une insurrection paysanne contre la levée de troupes pour défendre les frontières.
Le député Jean-Baptiste Carrier est alors envoyé en mission par la Convention, pour mater ces rebelles, considérés comme des ennemis de la République. Il arrive à Nantes en octobre 1793, voit des coupables partout et multiplie les arrestations. Impitoyable, il jure de « ne pas laisser sur pied un seul contre-révolutionnaire », et les exécutions s’enchaînent, jusqu’à 200 dans la même journée.
Commence aussi une longue série de « noyades », qui voit des milliers de gens jetés dans la Loire. Les premiers sont des prêtres réfractaires, 143 d’entre eux étant noyés en deux nuits en novembre et en décembre. Une centaine de prisonniers, envoyés à Belle-Ile-en-Mer, périssent également noyés quand leur barque est coulée par Carrier. Les « noyades » se succèdent ainsi, parfois organisées en « mariage républicain », un homme et une femme étant attachés avant d’être jetés dans l’eau.
Mais le vent commence à tourner à Paris et Carrier est rappelé par la Convention en février 1794. Robespierre est exécuté en juillet, Carrier est arrêté en septembre et à son tour guillotiné en décembre.
Rédigés en 1794, en plein cœur de la période révolutionnaire dite de la Terreur, le Rapport Grégoire et le Rapport Barère contre les « patois » et les « idiomes », et quelques autres textes de la même époque, seront le point de départ de la lutte contre les langues qu’on appelle aujourd’hui régionales.
Tout le monde connait la date de 1789, qui marque le démarrage de la Révolution française. Mais qui sait que, dans les années qui ont suivi, les textes destinés à propager les nouvelles idées étaient traduits dans les différentes langues du territoire ? On trouve ainsi aux archives de Quimper, par exemple, la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen… en breton !
Mais cette politique de traduction ne dure guère. Arrive en effet la période de la Terreur (1792-1794), et certains révolutionnaires recommandent à l’inverse que la langue française soit imposée à tous.
Parmi eux, l’abbé Grégoire remet en 1794 un Rapport sur la nécessité et les moyens d’anéantir le patois, et d’universaliser l’usage de la langue française. Ce texte fera date, car on y trouve une charge véhémente contre les « idiomes » et les « patois », soupçonnés d’être contre-révolutionnaires.
Cette même année 1794, Bertrand Barère, membre du tristement célèbre Comité de Salut Public, remet un autre rapport, tout aussi virulent :
« Le fédéralisme et la superstition parlent bas-breton ; l’émigration et la haine de la République parlent allemand ; la contre-révolution parle l’italien, et le fanatisme parle le basque. Cassons ces instruments de dommage et d’erreur. »
Les révolutionnaires de la période de la Terreur ne parviendront cependant pas à éradiquer ces langues, et il faudra attendre, un siècle plus tard, l’école obligatoire et l’interdiction d’y pratiquer des langues autres que le français pour que s’amorce leur déclin.
Âgé de seulement 24 ans, le vicomte Théodore Hersart de La Villemarqué publie un ouvrage qui va marquer l’histoire de la littérature bretonne : le Barzaz Breiz, chants populaires de la Bretagne. Collectées dans les campagnes, ces gwerzioù révèlent la richesse de la littérature orale bretonne très au-delà des frontières de la Bretagne.
Les parents du jeune Théodore possèdent un manoir à Nizon, près de Quimperlé, dans le sud-Finistère. Sa mère y est très active auprès des nécessiteux, et elle découvre ainsi la beauté des complaintes transmises de génération en génération par les paysans locaux.
Théodore est à son tour séduit par ces trésors populaires et se lance dans une collecte au long cours à travers les campagnes de Basse-Bretagne.
La première édition de son Barzaz Breiz en 1839 est composée de 54 chants historiques, chants d’amour et de fête, et chants religieux, présentés en breton et en français. Une longue introduction résume les intentions de La Villemarqué : montrer la permanence sans rupture d’une tradition bretonne remontant aux bardes celtiques venus de l’Île de Bretagne.
L’ouvrage rencontre un grand succès, en cette période favorable à la redécouverte des littératures orales d’Europe. Il est réédité à plusieurs reprises, traduit dans plusieurs langues, et chaudement recommandé dans les journaux bretons, français et dans des revues étrangères. George Sand en fait même un vibrant éloge en 1856.
Puis une querelle éclate en 1868 à propos de l’authenticité de ces chants. Elle ne sera close qu’un siècle plus tard, quand l’ethnologue Donatien Laurent découvre les cahiers de collecte de La Villemarqué. Il peut ainsi montrer que le vicomte avait certes pris des libertés avec certains chants pour les mettre au goût du jour mais que, pour la très grande majorité, ils avaient bien été recueillis, en breton, auprès de chanteurs populaires.
Le premier train à relier Paris à l’extrémité ouest de la Bretagne est le Paris-Quimper, qui ouvre en 1863, suivi de près par le Paris-Brest, en 1865. Ces liaisons avec la capitale permettront un certain désenclavement de la Bretagne sur le plan économique, mais elles amorceront aussi l’exil d’une partie de ses forces vives.
Au XIXe siècle, la politique continentale des gouvernements successifs donne la priorité au développement vers l’est, au détriment de la façade maritime du pays. La Bretagne, dont l’économie repose en partie sur le commerce atlantique, se retrouve ainsi dans une situation très délicate. L’idée d’un raccordement à Paris fait son chemin.
Il est dans un premier temps envisagé de relier la capitale à Nantes et à Rennes, les deux grandes villes à l’est de la Bretagne. Une première loi est discutée en 1842, le principe d’un Paris-Nantes est adopté, et la ligne ouvre en 1851. Puis ce sera le tour de Rennes, qui voit arriver le premier train en gare en 1857.
Il faut ensuite attendre encore des années pour que les travaux d’extension vers l’ouest débutent. Il y aura finalement deux lignes côtières, exploitées par des compagnies privées, comme toujours à l’époque : la Compagnie d’Orléans lance son premier Nantes-Quimper en 1863, et la Compagnie de l’Ouest démarre son Rennes-Brest en 1865. Quant à la voie centrale, elle est écartée pour ne pas concurrencer le canal de Nantes à Brest, achevé en 1842.
Désormais, rallier Paris au Finistère prendra moins d’une journée, alors que plusieurs jours étaient nécessaires par la route. Les élites bretonnes s’en félicitent, le chemin de fer étant censé être bénéfique pour l’économie. Le pouvoir central est plus circonspect, mais il voit là un moyen d’unifier le territoire français et de renforcer la centralisation, en reliant Paris aux préfectures et sous-préfectures.
En juillet 1870, la France déclare la guerre au royaume de Prusse, mais les Allemands prennent vite le dessus. Gambetta, nommé ministre de l’Intérieur en septembre, veut les empêcher de progresser vers l’ouest. Décision est prise de créer une « armée bretonne », qui sera basée au camp de Conlie.
Environ 60 000 Bretons répondent à l’appel patriotique d’octobre 1870. Le général Émile de Keratry est nommé à la tête de ces « Forces de Bretagne » et fait rapidement construire un camp pour eux à Conlie, près du Mans, où ils doivent être formés.
Mais le camp devient vite insalubre : des pluies torrentielles l’inondent et l’endroit devient un bourbier, au point qu’il est surnommé Kerfank (« ville de la boue » en breton). Puis c’est la neige. Les hommes manquent de tout pendant cet hiver très rigoureux où les températures descendent jusqu’à -20°. Il y a pénurie de tentes, de couvertures, de chaussures, et même de nourriture. Les maladies se développent : fièvre typhoïde, variole, dysenterie, etc.
Gambetta refuse l'évacuation demandée par Kératry, qui démissionne. Les Bretons crient d’ar ger ! (« à la maison ! », en breton), mais le général de Marivault comprend qu’ils réclament d’aller à la guerre. Plus de 20 000 soldats sont finalement évacués en décembre, contre les ordres de Gambetta. Ils seront quand même 143 à mourir de froid et de maladie.
Au camp on manque aussi d'instructeurs, et les soldats ne sont pas préparés au combat. Gambetta les soupçonne d’être des chouans fomentant quelque rébellion et il leur fait donner de vieux fusils rouillés. Épuisés par les mois de privation, mal armés et mal formés, les soldats bretons sont violemment battus par les Prussiens dans la nuit du 11 au 12 janvier 1871. Gambetta commentera simplement la défaite : « c’est la faute aux Bretons ».
Dès lors que l’instruction est rendue obligatoire par la loi Ferry de 1882, l’interdiction de parler breton s’applique dans la majorité des établissements scolaires, publics ou privés. C’est ainsi que l’école devient un outil efficace pour substituer le français au breton au sein de l’ensemble de la population.
Nous sommes sous la Troisième République. Jules Ferry, ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, fait voter deux lois qui vont changer la vie des Bretons : la première, en 1881, établit la gratuité de l’enseignement public pour tous ; la seconde, en 1882, rend obligatoire l’instruction primaire « pour les enfants des deux sexes, âgés de six ans révolus à treize ans révolus ».
Ces deux lois sont un immense progrès car elles permettront à toutes les strates de la société de sortir de l’analphabétisme, jusqu’alors très présent en Bretagne.
Il y a cependant un revers à la médaille : la question de la langue d’enseignement n’est pas abordée dans ces lois Ferry. On doit donc s’en remettre aux pratiques existantes : en l’occurrence, l’obligation d’enseigner uniquement en français figure déjà dans tous les règlements scolaires depuis le début du XIXe siècle.
Par exemple, le règlement des écoles primaires de l’arrondissement de Lorient, approuvé par le recteur d’académie en 1842, est très clair : « Il est défendu aux élèves de parler breton, même pendant la récréation, et de proférer aucune parole grossière. Aucun livre breton ne devra être admis ni toléré. »
Au fur et à mesure que les enfants sont scolarisés et francisés, ils ramènent la nouvelle langue à la maison, où elle s’impose au fil du temps, puis ils cessent eux-mêmes progressivement de transmettre leur langue à leurs enfants, jusqu’à ce que la transmission s’éteigne dans les années 1950.
« Ce que j’en ai consommé de Bretons » : cette remarque cynique du général Nivelle résume bien l’état d’esprit de l’état-major aux commandes en 14-18. Cette guerre des nationalismes laissera longtemps de profondes blessures dans la population bretonne, tant le traumatisme subi aura été grand, sur le front et au retour.
La mobilisation générale frappe la Bretagne début août 1914. Les paysans, arrachés brutalement aux moissons, partent au front avec un enthousiasme relatif. Considérés comme chair à canon par les autorités militaires, ils subissent de plein fouet l’ineptie des attaques massives. Sur les 600 000 jeunes hommes partis à la guerre, environ 138 000 périssent. La plupart meurent dans les combats, mais certains sont fusillés pour rébellion, d'autres se suicident, ou meurent de leurs blessures une fois rentrés chez eux.
En mer, les Allemands coulent quelque 300 bateaux, faisant régner l’insécurité sur les côtes. À terre, les femmes prennent l’économie en mains. L’agriculture et la pêche nourrissent les soldats et les usines d’armement tournent à plein. Mais le concept de Petite Patrie qui doit aider la Grande Patrie ne fait pas l’unanimité et des manifestations pacifistes sont organisées dans les villes.
Les conséquences du conflit sont considérables pour la société bretonne :
- La dynamique démographique est cassée, le nombre de morts représentant 4,5 % de la population d’avant-guerre, contre 3,5 % au niveau national.
- L’agriculture a perdu un tiers de ses forces vives, entre les tués et les blessés, et elle se modernise trop lentement.
- Au front, les soldats bretons ont été discriminés, considérés comme des « ploucs » ignares parlant patois, et beaucoup en garderont un sentiment de honte de leur langue et de leur mode de vie jusqu’à la dernière partie du XXe siècle.
- Les cérémonies du 11 novembre nourrissent un patriotisme français qui marque durablement le paysage politique breton.
Le 22 juin 1940, la France signe l’armistice avec l’Allemagne nazie. Démarre alors l’occupation de la moitié nord de l’Hexagone, dont la Bretagne. Mais dès juillet 1940, de nombreux bateaux partent pour l’Angleterre, de telle sorte que 50 % des volontaires de la France libre sont alors des Bretons.
Les troupes allemandes font leur entrée en Bretagne le 17 juin 1940 en bombardant la gare de la ville de Rennes, qu'elles occupent dès le 18 juin. Elles mènent ensuite quelques combats à Landerneau et Guidel, puis investissent les ports militaires de Brest, Saint Nazaire et Lorient. L’armistice est signé quelques jours plus tard.
Le 10 juillet, 7 des 80 parlementaires qui refusent de voter les pleins pouvoirs au maréchal Pétain sont finistériens. Dans le même temps, des civils rejoignent l’Angleterre sur des bateaux de pêche. Quand le Général de Gaulle rassemble les 600 premiers Français libres à Londres, la moitié vient de Bretagne, et 128 de l’île de Sein !
Puis la vie s’organise sous l’occupation. Les soldats allemands sont partout, on en compte 120 000 dans la région en 1944. Des habitants des villes se réfugient à la campagne pour échapper aux bombardements. Les jeunes hommes sont envoyés en Allemagne pour le STO (Service du travail obligatoire) à partir de février 1943, mais des milliers d’entre eux prennent le maquis ou se réfugient dans des fermes.
La résistance est très active en Bretagne, et beaucoup y laisseront leur vie. À l'inverse, certains s’engagent auprès des nazis : des centaines d’hommes sévissent au sein des milices françaises, et 80 nationalistes bretons extrémistes se fourvoient dans la milice Bezen Perrot. Les conséquences seront lourdes pour toute les formes d'action politique et culturelle bretonnes, qui resteront discréditées longtemps après la guerre.
Enfin, la période est également marquée par un décret pris par Pétain le 30 juin 1941, qui rattache le département de la Loire-Inférieure à la région d’Angers. Il ampute ainsi pour longtemps la Bretagne de sa capitale historique, Nantes.
Les alliés débarquent en Normandie le 6 juin 1944, mais il faut attendre début août pour que les troupes américaines pénètrent en Bretagne. Avec l’aide des résistants des FFI (Forces Françaises de l’Intérieur) et des FTP (Francs-tireurs et partisans), ils libèrent les villes les unes après les autres, mais les bombardements laissent des marques profondes.
Dès début juin 1944, parallèlement au débarquement en Normandie, les Américains parachutent des commandos et du matériel en Bretagne. Le maquis de Saint Marcel, dans le Morbihan, est emblématique de cette opération, qui se solde le 18 juin par une attaque allemande faisant des dizaines de morts.
Les alliés pénètrent ensuite dans la péninsule avec l’appui des résistants bretons des FFI et FTP, et les villes sont libérées les unes après les autres : Rennes et Lannion le 4 août, Quimper le 8 août, Nantes le 12 août, Concarneau le 25 août, etc.
À Saint-Malo, les combats durent plusieurs semaines, et la ville est dévastée par les bombardements américains et les incendies, jusqu’à sa libération le 17 août. À Brest, le siège dure du 7 août au 18 septembre, et les 10 000 tonnes de bombes larguées sur la ville la détruisent à plus de 90 %.
En août 1944, l’État-major décide de bloquer les Allemands dans des « poches ». À Lorient, qui a déjà été détruite en janvier-février 1943 par les 60 000 bombes alliées visant à éliminer la base des sous-marins, la poche s'étend sur 50 km et englobe 20 000 civils et 26 000 soldats allemands. Les tirs d'artillerie ont finalement raison de l’occupant et l’acte de reddition est signé le 8 mai 1945.
Dans les poches nord et sud de Saint-Nazaire, ce sont près de 130 000 civils qui se retrouvent cloîtrés avec 28 000 soldats allemands. Ils sont assiégés par 16 000 FFI et quelques milliers de fantassins américains. Hitler se suicide le 30 avril et les nazis capitulent le 8 mai. Saint-Nazaire est la dernière ville libérée, le 11 mai 1945.
Créé en 1950, le CELIB (Comité d’Études et Liaison des Intérêts Bretons) aura, pendant 30 ans, œuvré au développement de la Bretagne. Les succès de ce groupe de pression transpartisan sont nombreux sur le plan économique, et les réalisations auxquelles il a contribué ont marqué durablement la région.
Dans la période qui suit la Seconde Guerre mondiale, la Bretagne semble à peine sortie du XIXe siècle : elle n’est guère industrialisée, son agriculture est encore traditionnelle, et elle accuse un retard en matière d’équipement, d’accès à l’eau courante et à l’électricité.
C’est alors que, en juillet 1950, à Quimper, se crée un lobby breton, à l’initiative du journaliste régionaliste Joseph Martray.
Ce groupe de pression, qui deviendra le CELIB, rassemble des élus bretons de tous niveaux (sénateurs, députés, maires) et de tous bords, de droite comme de gauche (à l’exception des communistes), mais aussi des chefs d’entreprises, des représentants syndicaux, des paysans, des universitaires, des organisations culturelles et des associations familiales. L’une de ses figures marquantes est son premier président, René Pleven, par ailleurs président du Conseil général des Côtes-du-Nord, député, ministre et chef du gouvernement en 1950-1952.
Parmi les réalisations qu’on peut attribuer au CELIB, en grande partie ou partiellement, on citera d’abord les voies express que les Bretons continuent d’emprunter gratuitement aujourd’hui ! L’électrification des lignes de chemin de fer et l’usine marémotrice de la Rance lui doivent beaucoup. Sans oublier l’usine Citroën de Rennes, le développement des télécoms, la création de l’université de Brest en 1971, etc.
Le CELIB finit par se dissoudre en 1980. Ce modèle original de coopération rassemblant des personnes et des entités très différentes aura prouvé son efficacité, par sa capacité à négocier avec l’État central. Il aura aussi sensibilisé la population à l’idée du bien-fondé de la décentralisation.
Depuis la Révolution, la France est divisée en départements et en communes. Il faut attendre juillet 1972 pour que l’échelon régional soit reconnu comme entité administrative. La Région Bretagne est ainsi créée, mais elle est amputée de la Loire-Atlantique.
D’emblée se pose la question des limites territoriales de cette région administrative :
- Le Conseil général de Loire-Atlantique vote à la quasi-unanimité pour ”une région comprenant la région Bretagne et la région des Pays de Loire”.
- En Ille-et-Vilaine on souhaite une Bretagne unifiée, mais avec la Mayenne.
- Seuls le Finistère et les Côtes-d’Armor se prononcent pour une Bretagne à 5 départements.
Prenant acte de ces positions divergente, l’État opte pour deux régions.
La première assemblée régionale est composée des parlementaires et des représentants des départements et des villes principales. René Pleven, ancien président du Conseil, est élu président de la Région Bretagne à quatre départements, avec Rennes pour capitale. Olivier Guichard, député gaulliste de La Baule devient président de la région Pays de la Loire, avec pour capitale Nantes.
Cet établissement public régional est certes une étape importante dans la reconnaissance du fait régional mais, à l’époque, le pouvoir est détenu avant tout par le préfet de Région qui instruit les affaires et exécute les délibérations du Conseil.
Il faut attendre les lois de décentralisation de 1982 pour que la Région soit reconnue comme collectivité locale, et 1986 pour que les conseillers régionaux soient élus au suffrage universel. En comparaison des régions d’autres pays européens, les régions françaises détiennent néanmoins toujours des pouvoirs limités, notamment en raison de leurs très faibles budgets.
Quant à la question de la réunification, elle reste en suspens malgré une opinion favorable dans les cinq départements bretons et un activisme fort dans la société civile.
Réponse : Un raid britannique sur la ville en 1942
L’opération Chariot est un spectaculaire raid mené le 28 mars 1942 sur le port de Saint-Nazaire, alors sous occupation allemande. L’objectif était de saboter la forme Joubert afin d’empêcher la venue du cuirassé allemand Tirpitz, et de mettre hors d’usage la base sous-marine. Ils y parvinrent en faisant exploser une charge dans un navire anglais camouflé en destroyer allemand. Mais l’opération coûta la vie à 169 soldats britanniques.